2014年5月13日火曜日

L'art littéraire du "Replay"

On entend souvent le cliché qui nous dit que les Japonais auraient de la peine à sociabiliser, surtout en dehors de leur milieu habituel. C'est un cliché, mais il y a un fond de vérité quand même : trouver des gens qui ont les mêmes goûts que soi IRL, surtout quand lesdits intérêts s'appellent jeux de rôles, quand on n'habite pas près d'un grand centre, c'est difficile. Je ne sais pas si ceci explique cela, mais le jdr japonais a recours à deux choses dont je n'ai que très peu entendu parler en francophonie : les parties en ligne (par chat) - des vrais jdr, pas des forums ou des applications, je veux dire, une vraie partie d'un vraie jdr, mais sans que les gens ne se voient - et les replays.
La première méthode permet de jouer sans connaître qui que ce soit ou se déplacer, mais on voit bien ce que c'est. La seconde, par contre, est nettement plus intéressante, parce qu'elle permet de jouer par procuration.

Le concept du Replay est simple : tout bon livre de base en contient un petit bout : c'est une partie de jdr, mais posée sur le papier. Machin dit ceci, fait quelque chose puis le MJ lui répond tralala.
Mais le Replay n'est pas dans les livres de base : il recouvre des gammes entières de bouquins (il y a même des campagnes qui recouvrent plusieurs dizaines de volumes !), et compose certainement l'essentiel de la masse de production du jdr japonais.
Ça pourrait être la simple retranscription de parties, bien sûr, mais en vrai, c'est un art littéraire. Quelques écrivains assez réputés dans milieu de la SFF au Japon (comme Yamamoto Hiroshi, pour n'en citer qu'un, pas traduit, évidemment, mais rassurez-vous, il est rôliste quand même).
Les parties sortent de l'imagination d'un auteur, qui écrit alors son "scénario" comme si la partie était jouée par une vraie équipe. Bien sûr, pas besoin de faire une distinction joueur-personnage, le replay peut se passer de mentionner l'existence de joueurs, et peut, ou pas, mentionner les mécanismes de jeu ou l'état d'esprit du MJ.

Le genre a son intérêt, dans le milieu du jdr, s'entend, mais reste un phénomène presque exclusivement japonais. Bien sûr, il ne mérite pas forcément qu'on s'y attarde trop longtemps, surtout que - pour ceux qui en ont déjà fait l'expérience - le jdr japonais implique une façon de jouer que nous ne comprenons pas toujours (dirigisme, classe, sous-classe, niveau, rien, rien, rien, boss de fin, 2d6...), mais je me dis...

Ce serait marrant d'essayer d'en écrire un ou deux, à la française, comme ça, pour de rire, non ?

--- --- ---

Illustration : Fiche de présentation d'un personnage pour un Replay d'Alshard Gaia, (c) F.E.A.R, Famitsû

2014年5月10日土曜日

Que la lumière soit...

Je vous parlais donc il y a peu de la fantasy contemporaine, dans le but de créer un univers de jeux de rôles. Bon, le but n'est pas ici de participer à Game Chef 2014 (et comme chaque année, je n'y participerai probablement pas), mais de prendre autant de mois ou d'années qu'il me faut pour arriver à ce que je veux.

Donc... Avant toute chose, définir les grandes lignes de l'univers et poser les premières grandes questions auxquelles il faudra trouver une réponse.

Le postulat de base

L'univers de jeu n'est pas sans évoquer notre bonne vieille terre, mais il s'agit d'un monde différent, une autre planète dans un autre système, qui dispose d'un niveau d'évolution comparable au début du XXIè s. Les habitants nomment généralement leur planète "le Monde". Les joueurs doivent pouvoir incarner toutes sortes d'habitants du Monde, qui sont différentes variétés d'humanoïdes issus de diverses cultures, et l'ambiance variera en fonction des envies de jeu du groupe.
Le niveau culturel et scientifique des différentes régions variera essentiellement entre l'âge du diesel et l'âge cyber-technologique.
L'univers posera des problématiques propres à notre présent (choc civilisationnel, culturel, social et religieux ; nationalisme, libéralisme et démocratie ; terrorisme ; guerre de ressources et néo-colonialisme ; environnement ; corporatisme), mais rajoutera, pour accentuer le côté profondément fantasy, une dimension mystique (la magie, en tant que foi et en tant que science), une dimension rétro-sociale (colonialisme, fascisme et racialisme d'état), une dimension futuriste (le statut d'être humain, le transhumanisme et les machines en tant qu'êtres pensants et sensibles) et une dimension exotique (les régions inexplorées et la conquête de l'espace, essentiellement pour permettre un type de jeu plus axé aventure).

Les grandes questions qui se posent

A la différence des mondes médiévaux-fantastiques, les personnages issus d'un monde contemporain ont certaines connaissances : ils savent où se situe leur planète dans l'univers, connaissent les principes généraux qui font fonctionner la société, la technologie et la nature. Il faut donc répondre à ses questions.

  • Qu'est-ce que la magie ? Qui peut en faire ? Quels sont ses usages quotidiens ? Quelle est son influence sur la religion, l'histoire, l'économie, le droit, la société et la vie de tous les jours ? Quelles sont ses limites ?
  • Si la planète est différente, quelle est sa position dans son propre espace ? Quelle sont les différences par rapport à la Terre ? Sa faune, sa flore ? Ses marées, ses éclipses ?*
  • S'il existe plusieurs civilisations et ethnies, quel position le jeu prend-il dans ses descriptions, si aucune ? Qui écrit l'histoire ?
  • Quel type de jeu doit être privilégié ? Tous ? Aucun ? Le monde a-t-il une "grande histoire" qui doit être suivie où s'arrête-t-il là où commencent les PJs ? Y a-t-il un ou des événements qui bouleversent l'univers de façon à le "propulser" dans sa nature d'univers de JDR ?
  • Le jeu ne cache pas son inspiration partiellement issue des JRPG et des univers des light novels. Dans quelle mesure ces inspirations doivent-elles être majeures sans se voir ou peser sur l'univers ?
  • Dans cet univers de fantasy, qu'est-ce que la SF et la fantasy ? Qu'est-ce que les habitants du Monde - et/ou sa science - considèrent comme étant "merveilleux", "fantastique", "impossible" ?

  • Arrêter de voler des illustrations. Trouver des illustrations originales. Mais je ne sais pas dessiner. Du tout. A part les kanji.

Le système

Je me pose souvent peu la question du système, et j'en prends des génériques. Parce que je ne suis pas matheux, encore moins mathématicien, et que quand j'essaie j'arrive toujours au point où il faut faire des calculs et ça m'énerve. Sans compter mettre en page une jolie foutue feuille de perso.
Mais je vais essayer. J'ai le temps. Un univers tire souvent sa personnalité du système qui le compose, puisqu'il dicte certaines de ses composantes imaginaires (la magie, notamment).

  • Je veux un système simple, qui propose de tout régler avec un seul mécanisme, et laisse les exceptions à l'arbitrage du MJ.
  • Je veux qu'une partie au moins des aptitudes des joueurs (Spécialités ? Dons ? Atouts ?) soient issues uniquement du désir et de l'imagination des joueurs**.
  • Je veux intégrer un système de traits "académique" comme dans Tigres Volants, pour renforcer l'aspect "éduqué", et l'importance de ladite éducation dans les sociétés du Monde.
  • Je veux un système de prise de risques (martiaux, sociaux, mentaux) entre les seules mains du joueur, un peu à la façon de Tenga, pour permettre, comme c'était un peu mon idée originelle, de conserver l'aspect à la fois héroïque et dangereux des aventures, et renforcer une nature de jeu axée sur la résolution de problématiques de toutes sortes, sans l'imposer.
  • Je veux une magie équilibrée, pas très puissante, difficile d'accès, mais freeform.
  • Je veux un système de malus culturels, renforçant la difficulté à comprendre des idées, des systèmes ou des outils qui ont été conçus dans un système ayant évolué différemment que celui dans lequel on a grandi.
  • Ah oui, n'oublions pas : je veux un système qui soit légèrement à l'avantage des PJs. Mais légèrement seulement.
  • Je veux un système d'évolution. Simple, mais j'en veux un.
Voilà mon pain sur la planche...

--- --- ---

Mes joueurs auront sans doute remarqué que je triche un peu. Oui, je tisse sur une de mes anciennes tapisseries - ce sera la base de mon travail - mais on va tout reprendre à zéro quand même. Et faire un système pour ça. Pouah.

* La planète envisagée est représentée sur l'image de l'article. C'est le petit point bleu au premier plan.
** Se battre sur une jambe avec une aiguille à tricoter, Connaissance approfondie du système nerveux des chats domestiques, etc. Ou plus sérieux et moins précis, bien sûr.

2014年5月7日水曜日

Le JDR en format poche

Ce qu'il y a de bien au Japon, c'est que le milieu des jeux de rôles est assez facile à comparer à notre sphère francophone : c'est un monde de niche, peuplé de joueurs passionnés, meneurs passionnés, auteurs passionnés, éditeurs toujours en danger, dominé par les Grands Frères Américains - Donjons & Dragons, Call of Cthulhu, Shadowrun... Mais également par des productions locales de qualité, sans cesse renouvelées, avec quelques "anciens" qui restent en course malgré le poids des ans.
Il y a une chose, cependant, qui est rare (si jamais elle existe) dans le milieu de l'édition rôliste francophone, et qui connaît un vif succès au Japon : le jdr au format poche. (Et c'est dire : le bunko, livre de poche japonais, et encore plus petit et plus compact que le nôtre. Même pas de quoi faire tenir le Seigneur des Anneaux en 3 volumes).
Alors à l'époque, je sais qu'il y avait l’Œil noir, publié il me semble par Folio junior (dans un format identique au illustres Livres dont vous êtes le héros) et un autre (même éditeur, même format) dont j'ai complètement oublié le nom. C'est à peu près tout ce que j'ai vu comme "jdr en poche" sous les contrées de Molière. Et, je précise, je ne parle pas de mooks ou de jdr "plus petits que d'habitude", mais bien "en poche". Format Folio, Milady et tout ça tout ça.

Au Japon, c'est un véritable phénomène, de même qu'une façon de toucher un public (un peu) plus vaste, un coup de marketing peu cher pour l'éditeur (donc moins risqué) et plus attractif pour le lecteur qui n'a pas les moyens de se payer un album en couleur à 96CHF à chaque fois qu'un nouveau jdr sort. Le coup est d'autant plus intelligent qu'il permet d'accompagner les livres de base (en poche) d'une série de suppléments de toutes sortes (compléments de règles, de contexte, etc.) qui, eux, sont des beaux albums en grand format et en couleur... Ceux-ci ne paraissant que si le poche originel est un succès, ce qui le transforme également en subtile étude de marché.
Pour moi, c'est un moyen aussi de garder les jeunes, les précaires et les alternatifs dans le circuit, les albums à souscriptions, les gammes pleines de volumes chers et parfois difficiles à suivre tendent à faire de l'art de la maîtrise rôlistique (non-pirate) un passe-temps fort bourgeois (oui je sais, je sais, c'est ce qu'on est, mais bon).
Cela permet également d'oser un peu plus de choses (en quantité) et de concision (un poche, c'est petit), et de parler directement à l'imagination... Oui, je sais que je ne vais pas me faire des copains, mais un jdr en format poche, c'est un jdr avec peu d'images, et encore, sans couleurs (mais quand même, y a toujours moyen)... Mais est-ce que c'est vraiment un problème ?

Les livres de base des jeux de F.E.A.R (aucun traduit à ma connaissance), une des boîtes qui domine le marché japonais (elle a créé son propre système, rien de moins que le "Standard Roleplaying System"), paraissent sous ce format. Sword World 2.0, du Groupe SNE (non plus), la réponse japonaise à DD, et sans doute LE jdr le plus joué au Japon, est également disponible en... 3 volumes de poche. Non seulement, mais en plus, les volumes sont indépendants : le premier contient tout ce qu'il faut pour jouer et maîtriser les premiers niveaux (monstres, matériel inclus), et les deux suivants augmentent successivement le niveau atteignable par les PJs.

C'est, je pense, un bon moyen, de dynamiser le monde du jdr, d'amener du public vers des nouveaux jeux (après tout, dans une convention, acheter ce bouquin, là, à 96.-, c'est sûrement se priver de l'autre, là-bas, mais en acheter trois à 12.-/pièce...). Surtout en tenant compte du fait que "passer pro", en jdr, niveau pépettes, est rarement une option, ne serait-ce envisageable, dans notre monde microcosmique... Alors oui, ça fait gagner moins. Mais après tout, moins que pas grand-chose...
Cela permettrait également, par exemple, de publier les gagnants du Game Chef, ou d'autres concours du genre, ou des recueils de scénarios pour des jeux au public limité, sans se tâter 3 ans sur la somme à engager ou les risques encourus.
Et puis la publication en epub qui va avec... Et la version CC... C'est même pas plus cher que d'imprimer le jeu soi-même, 8€/12.- !

Je me demande donc, oserons-nous (de nouveau), sous nos latitudes francophones, le jdr au format poche ?

--- --- ---

Image : Le rayon d'occasion des jdr en poche, Yellow Submarine d'Akihabara.

2014年5月1日木曜日

Fantastique contemporain et fantasy contemporaine

Dans le cadre d'un projet un peu plus large (j'ai nommé : la création d'un jdr), j'avais envie de clarifier un peu deux notions qui me permettront d'éclairer mes idées par la suite, en me basant, bien entendu, sur les œuvres de la pop culture japonaise.

Le fantastique contemporain (gendai mahô - 現代魔法 - le monde de tous les jours avec de la magie) peut presque se passer d'explications, tellement ce genre est répandu dans l'aire francophone. Mentionnons qu'il s'agit de l'appellation qui regroupe toutes les œuvres qui se passent dans notre monde, aujourd'hui, tout en étant inspirées de la fantasy : Harry Potter, la bit-lit, pour les livres, le Monde des Ténèbres, Cthulhu, pour les jeux de rôles, appartiennent à cette catégorie. Il y en a tant et tant que ce n'est pas la peine de faire une liste... Mais ce n'est pas ce qui m'intéresse ici.

Ce que j'aimerais explorer c'est un thème beaucoup plus rare, autant que je sache, en français : la fantasy contemporaine (現代ファンタジー).

Ouais mais c'est pareil, non ?
Et bien non, pas du tout. Quelques ressemblances, certes, mais rien de plus.
La fantasy contemporaine emprunte plus à sa cousine, la littérature merveilleuse, qu'au monde de Marvel où à Buffy contre les Vampires. Parce que si le genre précédent se passe "sur la Terre mais c'est pas pareil", la fantasy contemporaine se passe "dans un monde totalement imaginaire, mais avec des trucs pareils (comme des ordinateurs, des avions, des flingues et des bombes atomiques)".
En gros, un monde aussi étrange et différent que la Terre du Milieu, Rokugan ou Tamriel, mais où les progrès technologiques et les problématiques géopolitiques et sociales évoquent surtout le monde contemporain. Bien sûr, le monde peut (ou non) conserver la magie propre à la fantasy et mélange souvent de nombreux éléments de façon achronique (éléments futuristes, contemporains et plus anciens, voire carrément exotiques).
C'est un genre extrêmement prisé dans les univers imaginaires japonais, et quelques-uns (voire plus) sont parvenus jusqu'à nous.
Quelques exemples :
  • Dans les jeux vidéos, la série des Final Fantasy (VI, VII, VIII, X, XII, XIII), Pokémon (si, si), tout l'univers (issu de light novels) de Megami Tensei (Persona, etc.).
  • Dans les anime et les mangas, Dragonball, D-Glay Man ou encore Hunter X Hunter. 
  • C'est un genre également très prisé dans les light novels, qui sont, en gros, des mangas, mais en texte. Le genre étant quasiment inconnu en francophonie hormis auprès d'un milieu de niche et souvent illégalement traduit de langues qui ne sont pas le japonais, je ne vais pas vous ennuyer avec ça.
A ma connaissance, de tels univers sont rares dans les créations francophones (et anglophones, mais je ne peux rien affirmer). Si vous en connaissez, je suis preneur de références.

L'idée, donc, serait de créer un jdr dans un tel univers. Non pas un univers qui essaie de faire "un anime en jdr" (surtout que ça existe déjà), mais qui crée un véritable univers de fantasy contemporaine, jouable, aux problématiques cohérentes (et intéressantes), avec un vrai concept de jeu...
Un peu plus à la prochaine.

--- --- ---

Image : mech sketch by (c) asilverberg on deviantART