2013年3月19日火曜日

Cloud Atlas - Le film SF-Combo


Je commençais à me dire qu'il y avait un bon bout de temps qu'on n'avait pas eu droit à un bon gros, bien classique, bien cher, bien détonant film de vraie SF. Avec Cloud Atlas, je suis rassuré, le genre n'est pas complètement, mort, et la SF existe encore.



Bon, je vais un peu vite en besogne, parce que Cloud Atlas, ce n'est pas vraiment un film de science-fiction, c'est un film-combo, qui regroupe six films en un, chacun avec son genre propre. On aura donc droit, avec un seul billet, à un film historique, un film de mœurs, un film d'action, une comédie à l'anglaise, de la classique et détonante SF urbaine et, pour finir en beauté, du post-apo mystico-gritty comme on l'aime.

Cloud Atlas est basé sur un livre, aujourd'hui publié au Seuil sous le titre Cartographie des nuages. Je ne l'ai pas lu, mais il vient de passer en tête de ma liste des trucs à lire...

Cloud Atlas, donc raconte, en parallèle - en mélange, même - six histoires différentes, qui s'étalent sur pas moins de 5 siècles. Elles ne sont connectées entre elles que par quelques allusions, quelques personnages, quelques éléments qui offrent une continuité à l'ensemble. Mais on ne tombe jamais dans le lien de causalité trop évident : cela reste un film cyclique, un film qui ne nous raconte pas une histoire, mais bel et bien six récits reliés entre eux par le strict minimum. Les frères Wachowski (si si, ils ont fait Matrix, souvenez-vous) nous offrent ici une réalisation qui arrive à regrouper en un peu moins de 3h quasiment toute la palette possible des émotions et des effets visuels... Entre les reconstitutions des costumes et du matériel naval du XIXème et les modélisations numériques d'un Néo-Séoul futuriste, le mélange des genre est pompeux, troublant, parfaitement mené.

Il est à noter aussi que l'évocation de la nature cyclique de la vie prend pleinement son sens dans le jeu d'acteur (on trouvera dans le film, au moins, Hugh Grant, Hugo Weaving ou encore Tom Hanks), parce que chaque histoire... chaque époque remixe tout le monde. Vous avez toujours rêvé de voir nos acteurs se travestir (pour de vrai !), changer de tête, de jeu, de voix de scène en scène ? Vous ne serez pas déçus par celui-là. 

Cloud Atlas, c'est un vrai film de SF. Et en plus, c'est tout plein d'autres choses : si vous n'aimez pas la SF... Eh ben vous aimerez quand même ! Le défaut... Faut suivre. Si vous n'aimez pas faire jouer votre mémoire et rester un peu concentré le temps d'un film, si vous aimez pouvoir dormir un peu pendant la séance ou qu'on vous livre tout dans l'ordre et sans la moindre surprise... Vous perdrez votre temps.

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Ma note à la Suisse : 5.5/6 (Mention excellent)
(Réalisation 6, Scénario 5.5, Photographie 5.5)


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2013年3月15日金曜日

Jean-Philippe JAWORSKI - Gagner la guerre

Pour rester dans la fantasy francophone, un petit bijou qui traînait depuis quelque temps dans ma bibliothèque et que j'avais un peu la flemme de commencer à lire, surtout parce que c'est un livre de poche de mille pages, et que les éditeurs francophones ne nous en livrent pas souvent.

Cette perle, c'est Gagner le guerre, de Jean-Philippe Jaworski. Et franchement... C'est un véritable poing dans la gueule (vous comprendrez les allusions quand vous aurez lu le bouquin en question).

Nous sommes donc ici dans le monde créé par un biclassé rôliste-écrivain (ce qui n'est pas si rare, somme toute, mais la classe écrivain de talent l'est un peu plus), qui nous emmène dans son Vieux Monde, ce qui au premier abord, peut sembler un peu classique (et donc inciter à juste titre à la méfiance).

... Et puis, très vite, le bouquin nous passe dessus comme une galère de guerre.

Premièrement, c'est une kilo-page racontée à la première personne par un individu détestable, don Benvenuto Gesufal, assassin, espion, au service d'un maître plus détestable encore.

L'action tourne essentiellement autour d'une cité-Etat qui mélange un peu la Venise des doges et l'Espagne reconquise, le tout après une guerre féroce.

Nous sommes donc ici dans ce que je pourrais appeler de la fantasy anti-épique. Parce que la guerre est terminée et que maintenant, et pendant 1k pages, il va falloir que les gagnants manipulent, trahissent, assassinent, trompent, pour asseoir et consolider tout le poids de leur victoire... (Je ne vous en dis pas plus : tout est à découvrir dans cet opuscule).

Le phrasé est parfait (trois ans d'écriture !), et l'odieux Benvenuto n'hésite à haranguer son lecteur de façon malsaine, personnellement. Il nous décrit avec force détails et truculence ses déboires et ses exactions (le plus souvent), ainsi que sa condition, finalement, de simple outil politique fort repoussant.

J'ai eu un peu d'appréhension quand sont entrés en scène les quelques Elfes de cet ouvrage : tout commençait bien avant l'apparition surprenante des clichés bien classiques et bien vieillis... Et pourtant, là aussi, un petit tour de force littéraire (qui vaut la peine mais dont je vous laisse l'entière découverte) nous éloigne, avec faconde, des déjà-vus du genre.

Bref, Gagner la Guerre, c'est pour moi un chef d'œuvre de ce que devrait être la fantasy francophone : originale, pleine de verve et surtout complètement sourde aux enfantines théories manichéennes qui corrompent le genre. Cette novelette, c'est de la pure fantasy pour adultes, implacable et bien méchante. Bref, de la vraie littérature. (Et pour ceux qui comprendront, même Alias a aimé).

Me réjouis donc de lire l'autre ouvrage du monsieur, Janua Vera.


Disponible en librairie et en version électronique, mais pour pas tellement moins cher (encore...).
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2013年3月7日木曜日

Premier ISBN !

Je ne sais pas si c'est encore la consécration, mais ça y est, aujourd'hui, officiellement, le premier ouvrage dans lequel je suis crédité (en tant que traducteur) paraît.
Mille Cercueils, c'est le titre... Et en plus, c'était un travail bénévole pour une association caritative (même si ça nous a pris bien du temps), qui traite des événements terribles survenus au Japon il y a deux ans.
Ce n'est pas très long, et je n'en ai d'ailleurs traduit qu'environ un cinquième (puisqu'on était une bonne poignée à travailler sur le projet, quand même, et qu'en plus on l'a fait de manière bénévole), mais c'est - peut-être - un début de commencement de quelque chose... Et peut-être que grâce à vous, ce sera la consécration (achetez tous les exemplaires que vous voyez, merci).
Si le contenu vous intéresse un peu, j'en parle sur aokifude.

En librairie dès aujourd'hui (le 7 mars 2013), ça c'est un fait (même si j'ai eu droit à mon exemplaire en avant-première), mais il en existe même une version Kindle et Epub (comme quoi les Editions du Seuil ont fait un bon boulot sur ce coup-là !)


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2013年3月1日金曜日

Sur nos monts quand coule le sang...

Dans le registre "Choc culturel", j'ai un tiroir plein de trucs. Après tout j'ai tiré deux ans et demi de vie japonaise (avec une compréhension plus ou moins parfaite de toutes les réflexions possibles des gens du cru) et voilà plus d'un an maintenant que, moi, petit Suisse de la campagne, je traîne mes pattes dans la plus grande agglomération française.
Les chocs culturels helvético-français, ça ne doit pas être grand-chose, me direz-vous. Et pourtant faut pas déconner, des fois, il y a de quoi tomber des nues tellement ça va loin. Je vous détaillerai certaines de mes découvertes administratives et culturelles un autre jour, mais aujourd'hui j'ai réalisé à quel point, sur le plan musical, la sacrosainte République gauloise gravitait dans une autre Voie lactée que ma campagnarde Helvétie.

Pour ceux qui nagent encore dans le bourbier de ma glose, je parle ici d'hymnes nationaux.
Pas plus tard que tout à l'heure, je me retrouvais chez une de mes jeunes élèves qui avait besoin d'aide pour apprendre cet illustre morceau de poésie qu'est la chanson officielle de l'Etat français, j'ai nommé la douce et paisible Marseillaise.


Soyons honnête, je la connaissais déjà, et je m'étais déjà fait cette réflexion, mais quand même, j'avais failli oublié à quelle point ce morceau n'a juste rien à foutre ici, au XXIème siècle, à part comme torture psychologique pour jeunes élèves qui n'ont rien demandé, et pour bien rappeler à tous que, à chaque fois que les Français doivent être fiers de quelque chose, il faut que ça soit un bain de sang, une tradition barbare ou une action militaire en tout genre (comme chacun le sait, l'armée n'existe que pour promouvoir la paix. Mais avec des morts et de la tripaille, la paix, c'est toujours plus crédible).

Voyez plutôt en quoi consistaient les tourments du jour (que je me suis efforcé d'apprendre en même temps que ma jeune disciple - mouahahahah).

(Je vous passe le refrain, qui appelle à cultiver ses patates en utilisant du sang comme engrais et le premier couplet qui nous explique que la tyrannie vient bien entendu des campagnes).

Amour sacré de la Patrie,
Conduis, soutiens nos bras vengeurs
Liberté, Liberté chérie,
Combats avec tes défenseurs ! (bis)
Sous nos drapeaux que la victoire
Accoure à tes mâles accents,
Que tes ennemis expirants
Voient ton triomphe et notre gloire !


Je traduis donc : la Liberté, c'est un truc de mecs, viril, un truc de patriotes qui considèrent la République et l'Etat comme une religion d'Amour ; lequel Amour, bien entendu, sert à acquérir la victoire et la vengeance sur nos ennemis, mais seulement pour nous défendre. Et bien sûr, rien de bien méchant, on veut juste bien montrer à nos ennemis agonisants (voire peut-être même avant de les exécuter pour le fun en masse à la guillotine) qui c'est les patrons.
Je peux vous assurer que l'explication de textes à ma jeune pupille (bon, je vais éviter les synonymes, ça commence à devenir tendancieux) a été une jolie séance de fous rire. Je ne crois pas que la nouvelle génération comprenne la beauté sacrée du patriotisme républicain.

Après ce passage fort poétique, le couplet destiné aux enfants.
"Ouf !" ai-je alors pensé, peut-être s'agira-t-il d'autre chose. Ou pas, finalement.

Nous entrerons dans la carrière
Quand nos aînés n'y seront plus,
Nous y trouverons leur poussière
Et la trace de leurs vertus (bis)
Bien moins jaloux de leur survivre
Que de partager leur cercueil,
Nous aurons le sublime orgueil
De les venger ou de les suivre


Le résumé est plus subtil, parce que si les mots sont plus simples, il faut comprendre que carrière, ici, signifie armée (c'était même écrit en toutes lettres dans le manuel).
Donc : nous, les enfants, on deviendra des soldats, et tout ce qu'on voudra, c'est soit faire comme nos vieux, autrement dit crever comme des merdes pour la République, ou venger les vénérables décédés, toujours, je ne puis que supposer, dans une optique de défense légitime.
Jolie leçon de morale pour notre jeunesse. Je suis sûr que, quelque part, il y a des gens qui sauront expliquer en quoi cet hymne n'est pas celui d'une dictature militaire... Mais je pense qu'ils devront affiner leurs arguments longtemps.

Bon, je ne vais pas jouer au con plus longtemps. Ok, je suis d'accord, il y a un contexte, une époque. Mais quand même, cornebizouille, ça se change, ça se réforme un hymne (enfin, je crois malheureusement que parler de réforme politique en France, c'est un peu comme de parler d'intégration des étrangers à un Japonais...). Celui-là a même pourtant été repris par les communistes russes, alors rien n'est sacré, voyez-vous. Au XXIème s. il serait peut-être temps de trouver des paroles un peu plus en rapport avec les volontés pacifistes, unificatrices de la jeune Union Européenne. Je sais pas, je dis ça comme ça, si jamais quelqu'un écoute.

Et puis le contexte, franchement, ça n'excuse rien. Je parle de choc culturel. Vous le connaissez mon hymne national ? Voici le premier couplet :

Sur nos monts quand le soleil
Annonce un brillant réveil,
Et prédit d'un plus beau jour le retour,
Les beautés de la patrie
Parlent à l'âme attendrie ;
Au ciel montent plus joyeux (bis)
Les accents d'un cœur pieux,
Les accents émus d'un cœur pieux.



Et c'est comme ça de bout en bout. Et ça n'est pas beaucoup plus vieux que la Marseillaise, alors on me la fait pas.
C'est un peu naïf et pas mal religieux, très contemplatif, je ne suis pas non plus un fervent fan, mais franchement, il y a des jours où des petits détails comme ça me rappellent la nature même du choc culturel franco-suisse : je viens d'un pays qui fantasme sur ses Alpes et la beauté de ses coteaux, seul dans son coin, et je vis dans un Etat qui n'arrive pas à s'affranchir des fantasmes sanglants et barbares de sa/ses Révolution(s) ratée(s)...

Voilà pour les railleries du jour. A vous !

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